29/10/12 : Octobre 2012, entre l’eau et le feu
Malgré les réticences des autorités et la menace d’une intervention prochaine des forces de l’Union Africaine, il nous semblait important de rendre visite à nos partenaires dogons. Parce que la réussite de nos projets a toujours été liée à une présence sur le terrain. Parce qu’il ne nous semble pas possible de tourner le dos à la moindre « vraie » contrariété.
D’emblée, deux constatations :
– Les toubabs ont bien disparu du paysage. Les touristes, bien sûrs, déjà rares depuis début 2010. Mais également de nombreux coopérants. Essentiellement les Français, pourchassés, il est vrai, par leur propre gouvernement.
– L’accueil est toujours aussi chaleureux malgré les difficultés nouvelles. Dès nos premiers pas dans la falaise, que d’émotions. Chaque rencontre étant ponctuée de remerciements pour ce retour inattendu.
Heureusement, pour les Dogons…et pour nous, les projets continuent leur petit bout de chemin. Grâce à vous et aux fonds récoltés lors de nos diverses organisations. Grâce à l’obstination des responsables locaux. Nous avons pu faire le point avec la plupart de nos partenaires. Le point :
1) pasteurisation du lait : le projet des femmes peuls d’Ouro Gondo suit son cours ; avec la production continue de lait et de yaourt. Nous avons octroyé une prime d’encouragement à Anta et sa petite tribu pour la bonne tenue du travail.
2) Sacrées avancées à la nouvelle école technique de Bandiagara. Nous étions là au moment de la rentrée scolaire (…différée de plus ou moins). Dès le départ, ce sont près de 200 jeunes gens qui, sous la forme d’une tournante, peuvent bénéficier de l’enseignement d’une demi-douzaine de professeurs. Si nous avons subventionné la construction de l’école et une partie du matériel actuel (…encore bien léger), les responsables maliens ont tenu leurs promesses. Il faut dire qu’Aminata Oualaguem, la directrice de l’internat, est allé défendre la cause de notre projet auprès du Ministre. Avec succès. Il nous reste cependant à rembourser une bonne partie de l’emprunt consenti. C’est notre gros travail pour les mois à venir.
3) On peut considérer que ce projet est arrivé à son terme et qu’il ne devrait plus nécessiter, à l’avenir, que des frais d’entretien. On vient de commencer la réalisation d’un préau dont pourront profiter et l’internat et l’école technique puisque les deux bâtiments se font face à face.
4) La nouveau bâtiment de l’association des femmes dirigée par Monique Togo semble terminé. Malheureusement, il n’y avait pas d’activité lors de notre passage et nous avons seulement pu croiser Paul Togo quelques minutes lors de notre premier passage à Bandiagara.
5) Les couturières de Bandiagara nous ont apporté un projet d’extension de leur bâtiment actuel. Nous l’examinerons mais leur avons précisé qu’il nous était difficile pour le moment de nous lancer dans un projet supplémentaire.
6) Réunion particulièrement positive avec les représentantes du projet de micro-crédit à Gogoli. Le budget investi en février dernier a été réparti entre une soixantaine de femmes. Pratiquement toutes ont bien géré leur cagnotte principalement utilisé pour l’achat de semences. Contentes de leur sort, elles n’ont pas demandé de nouvelle intervention.
7) Après une bonne saison des pluies, le réservoir d’eau de Gogoli était quasi plein. Il l’aurait été sans une fuite dans le mur de retenue. Nous avons décidé de laisser le budget nécessaire à la réparation qui ne pourra se faire qu’à la saison sèche. On en profitera pour restaurer deux escaliers donnant accès à l’eau basse. Le maçon était présent pour l’obtention d’un devis.
Nous avons profité de notre séjour pour rendre visite aux amis de Koundou, Yendouma et Ireli. De ce côté-là, il faut bien avouer que c’est plutôt la désolation. On est revenu plus de dix ans en arrière quand nous découvrions des balades seulement agrémentées d’eau tiède et de campements sans utilité. À Yendouma, Emile, qui tient aussi le rôle d’infirmier, nous a fait part de l’impossibilité des habitants de payer les médicaments contre le paludisme, particulièrement sévère cette année. Nous avons décidé de lui laisser un budget pour pallier à cette difficulté.
La meilleure nouvelle concerne finalement l’espoir d’une bonne récolte. Et, bien sûr, c’est quand même l’essentiel. Les Dogons n’ont pas attendu leur tourisme pour assurer leur existence. Comme dans tout le Mali, l’impatience gagne quand même une population qui aspire à un retour à la sérénité. De ce côté-là, il reste de la route… Tandis que les rebelles du Nord recommencent à s’agiter à l’approche d’une intervention des forces de l’Union Africaine, la grande majorité des forces ( ?) de l’armée malienne est concentrée aux alentours de Sévaré et de Bandiagara, premières grandes agglomérations aux portes de la rébellion. Dans ce secteur, les contrôles sont nombreux et permanents. Notamment à l’entrée de Bandiagara, en venant de Sévaré, où « notre » Togona est réquisitionné par l’armée. Ravagé par les dernières pluies, l’établissement d’Eric est en bien piteux état. Et, vu la présence des pick-up équipés de mitraillettes lourdes, l’atmosphère est un peu lourde malgré la bonne humeur des soldats. On est loin des soirées de chants peuls et de danses au bout de la nuit. Mal au cœur…Dans ces conditions, difficile d’envisager un voyage de groupe dans les mois à venir. Les deux soldats embarqués à Segou nous ont pourtant affirmé que le problème serait réglé sous peu. Et que des élections devraient avoir lieu avant avril. Puissent-ils être entendus…
Fernand Marechal et Louis Albert
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