17/03/14 : Retour au Mali
Une demi-lune joue à cache-cache avec les molles vagues du Niger. Quelques étoiles filantes lui font cortège. Seul le feu de bois ose rivaliser avec la force tranquille de la nature. Seul le vent ose briser la loi du silence.
Le temps du rêve est revenu. Malmené par des cris de guerre et des souffles sauvages, il a cru basculer dans le néant. Il défile à nouveau sous nos pas hésitants. L’espoir n’a pas de couleur. La musique non plus. La pinasse qui glisse vers les charmes de Segou n’est plus un mirage. Les premières notes de la fête ne sortent pas des trompettes de l’oubli.
Nous sommes de retour. Bonjour Mali. Bonjour Pays Dogon. Bonjour Bandiagara. Bonjour Bamako. Bonjour Segou. Bonjour Songo. Bonjour Shanga. Bonjour Gogoli. Au clou le capitaine Sanogo et son putsch d’opérette. Loin de nous les fantômes du djihad et les cavaliers de la mort. Il y a si longtemps…
Depuis 2003, nos regards ne s’étaient plus quittés. La rage des hommes avait pourtant miné nos sentiers d’amitié. Mais le grand avion blanc s’est pourtant bien posé sur le bitume brûlant. Miracle, revoici toutes les saveurs du grand continent. Les sourires, d’abord. Le brouhaha. La dérision. La pollution aussi. Les plastiques comme tapis rouge. Le Sprinter cabossé comme carrosse.
Et les mains à nouveau unies. Assoul, Basile, Yaya, Isa,…vous n’avez pas changé. Et Aminata plus reine que jamais. Symbole de nos projets en terre de sable et de roc. Nos cœurs s’enflamment au fil des retrouvailles. Même les chiffres s’affolent. Dernier projet en place, l’école technique de Bandiagara accueille désormais plus de 500 élèves.
Nul ne sait où les projets développés au Pays Dogon nous mènerons mais le seul succès du jour suffit à notre bonheur. Retour au Mali, retour au Pays Dogon, c’est retour gagnant. Ce ne fut pas simple, pourtant. Sur les cartes d’état-major, du rouge. Encore et toujours. La peur importée. La peur exportée. Et, chez nous, des infos et des images répétées : guérilla, attentats, enlèvements,…Sauf que le Pays Dogon n’a rien connu de tout cela ; même s’il s’en est fallu de peu, les rebelles ayant progressé jusqu’à une soixante de kilomètres de nos villages.
L’intervention des troupes françaises et des forces africaines puis la tenue d’élections présidentielles, l’été dernier, ont ramené un minimum de sérénité. Si le Mali, comme le reste de l’Afrique, n’est pas un modèle de stabilité, le groupe qui a repris la route des espérances en ce mois de février n’a jamais connu le moindre sentiment d’insécurité. Bras ouverts, mains tendues, espoirs retrouvés : rien que des récompenses. Et, osons le dire, de la fierté. Jusqu’à chanceler sous les applaudissements du public du Festival du Niger ravis de saluer les quelques « toubabs » venus danser à leurs côtés. De quoi repeindre en vert toutes les pistes des alentours.
Pour « Solidarité Dogon » et les « Coureurs Célestes », étroitement unis dans les projets maliens, il était temps de reprendre le chemin de la falaise. Par manque. Par envie. Par bonheur. Mais aussi parce que les voyages solidaires sont la base de notre réussite. Vous êtes maintenant des centaines à nous avoir suivis là-bas, un jour ou l’autre, et à avoir ainsi cautionné nos opérations. A tous, je voudrais offrir la lave rougeoyante du soleil quand il se lève, nonchalant, au dessus de la plaine poussiéreuse, face aux cases de terre de Gogoli.
Nous voici donc à nouveau réunis dans la joie, noirs et blancs mélangés, pour piétiner nos angoisses. Une fois de plus, nous avons pu nous glisser dans l’ombre bienfaisante de la faille de Banani. Pour grimper très vite vers le roulement des tambours. Les femmes du micro-crédit nous ont enveloppé d’un tourbillon de rires. Les notables ont vociféré comme au plus fort d’une campagne électorale. Les gosses ont déboulé de caillou en caillou. Il n’est plus l’heure de se pencher sur le puits asséché ; mais bienvenu de laisser couler les larmes. Tout le village est là. Nous leur avons offert du mil. Ils nous donnent leur âme. Raison d’être. Raison de renaître. Toutes les questions resteront. Et nous n’aurons jamais les vraies réponses. Juste le sentiment furtif de côtoyer l’essentiel. Ça va aller…
Le voyage
Le dernier voyage de groupe remontait à février 2012, quelques jours avant le putsch du capitaine Sanogo. Entretemps, fin 2012, nous étions retournés, à quatre, prendre le pouls du Mali et du Pays Dogon. Sans souci particulier mais l’ambiance générale, une vingtaine de contrôles militaires entre Bamako et Bandiagara, ne se prêtait pas aux voyages collectifs.
Février 2014 marque donc notre grand retour au Mali. Un programme aussi dense que l’impatience de nous retrouver en terre tellement connue. Un grand merci aux membres de la bande des quatorze qui nous ont permis de renouer le lien. Pas évident au terme d’une année 2013 remplie de mauvaises nouvelles suite au conflit larvé avec les bandits du Nord. Un grand merci, donc, à Amelia, Françoise, Geneviève, Monique, Louis, Bernard, Marc 1, Marc 2, Sylvain, José, Jean-Claude et Michel et Serge.
Après un vol Paris-Bamako sans histoire, nous avons passé la première nuit à Bamako avant le très long transfert routier vers Sévaré. Sur la route de la falaise, nous avons visité nos projets de Bandiagara et constaté que le campement Togona de notre ami Eric avait pu être réparé après les dégâts causés par les pluies diluviennes de l’été 2012.
Après l’arrivée à Gogoli, le village de notre ami et guide Assolou Dolo, nous avons randonné trois jours dans la falaise pour visiter les points forts que sont les villages de Tiégou, Yendouma, Youga-Pirri, Youga-Doucourou, Youga-Na, Koundou, Ibi, Nenni et Banani.
Pour éviter un nouveau rallye routier au retour, nous avons choisi la pinasse pour nous ramener au festival sur le Niger de Segou. Trois jours et deux nuits hors du temps. De quoi apprécier la sérénité des grands espaces sahéliens et les qualités d’homme de terrain de notre ami Sylvain, dit le Capitaine.
Flambée finale à Ségou avec des pointures de la musique malienne comme Vieux Farka Touré ou Salif Keita. De quoi nous pousser à remettre rapidement le couvert. Peut-être en juillet, sans doute en octobre. Avec plein de formules en tête.
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Les projets
Si les événements qui se sont succédés depuis le putsch de mars 2012 ont lourdement pesé sur l’avenir touristique du Mali, nos projets en Pays Dogon n’ont pas souffert de cette situation. Au contraire. Exemple parfait avec l’école technique de Bandiagara. Lors de son inauguration, en octobre 2012, elle accueillait 200 élèves. Aujourd’hui, ils sont plus de 500 en périodes alternées. Huit classes sont désormais disponibles et nous cherchons maintenant des fonds pour en construire deux de plus.
Au cours de ce voyage de février 2014, nous avons pu faire le point avec nos partenaires locaux. Résultats :
• En dehors des projets de classes supplémentaires à l’école technique, première phase d’achats de lits doubles pour l’internat, nos matelas de 2007 ayant plus que vécus. Une petite centaine d’élèves fréquentent toujours cet internat.
• Achat de semences pour traitement par les femmes de l’association des femmes de Monique Togo.
• Subsides dans le cadre de l’achat de dix tonnes de mil pour assurer la sécurité alimentaire au village de Gogoli.
• Achat de tourteau pour les dix vaches qui fournissent le lait de l’association de pasteurisation du village d’Ouro-Gondo ; celle-ci poursuit son activité de fabrication de yaourt.
• Mise en place d’une banque de céréales à Bandiagara représentée par Eric Togo et Drahmane Tapili.
• Subside accordé à l’association des femmes couturières pour l’agrandissement de leurs locaux de la section enseignement.